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Témoignages de survivants

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  • Anonymous soldier's story

Si on sort, il y a des terroristes partout et si je reste à l'intérieur, je mourrai brûlée vive

J’avais mis mon réveil à 6h30, je devais me lever mais l’alerte retentit "Couleur rouge, Couleur rouge[2]". Nous ne savions pas quoi faire parce que n’avions pas encore été confrontées à une telle situation, alors nous avons simplement couru dehors vers un cylindre de béton. J’entre dedans mais ce n’est pas vraiment protégé. Les explosions retentissent à un niveau excessif ; à chaque boum, je pensais que j’allais mourir. Des roquettes sont tombées près de nos chambres et les éclats volent vers nous ; tout le monde commence à pleurer. Même les filles qui sont là depuis longtemps disent que ça n’a jamais été aussi fort. Çela ne faisait que commencer.


Des messages ont commencé à arriver selon lesquels il y avait une invasion, c’est-à-dire une infiltration de terroristes sur le territoire du pays... non seulement dans notre poste de commandement, mais aussi à Nahal Oz, à Yftah, Réïm et Kerem Shalom. À chaque point de la frontière, un grand nombre de terroristes sont entrés. De notre côté, une fille avait fait un signalement un peu plus tôt mais les renforts n’ont pas pu arriver à temps pour les arrêter. “C’était une quantité dingue de terroristes”. Ils ont commencé à tirer sur les capteurs, les caméras d’observation, à tel point que nous ne pouvions plus rien voir sur nos écrans.


On nous a dit que notre seule option était de prendre nos jambes à notre cou et de nous réfugier au poste de commandement. Pendant que retentit l’alerte, des roquettes tombent près de nous et j’ai courucomme je ne l’ai jamais fait de ma vie, juste courir. Nous sommes entrés dans le poste et on nous a dit d’abandonner nos positions. Le Paskal est un énorme ordinateur avec un poste de contrôle. On nous a dit d’abandonner nos positions, de nous tenir derrière les Paskals et de nous cacher, simplement nous cacher.


Ils ont réussi à sauver les observatrices. Je ne pense pas qu'aucune autre soldate soit restée vivante.

Nous nous sommes serrés les uns contre les autres et nous nous sommes cachés, puis sont arrivées les forces de protection. Il y avait dans cette pièce une porte qui ne peut pas être fermée car la serrure est cassée ; une équipe s’adosse dessus. La situation était déjà terrible mais soudain ils nous ont coupé l’électricité or les verrous des deux portes sont électriques. Dès qu’il y a une coupure de courant, elles s’ouvrent.


Au départ, il y avait une équipe de soldats de Golani (infanterie) mais très vite ils ont tous été anéantis, tués les uns après les autres. On a commencé à amener les blessés dans notre poste de commandement ; j’ai commencé à aider à soigner autant que possible parce que j’avais vraiment peur de sortir de derrière les Paskals. ’Tu as extrêmement peur pour ta vie, c’est très dur mentalement aussi.


Nous n’avons rien mangé pendant 26 heures. Il n’y avait pas de nourriture, presque pas d’eau. On s’est partagé les dernières gorgées’ entre nous tous. Nous sommes restés comme ça de six heures et demie du matin jusqu’à environ 23 heures. ’Comme il n’y avait plus de courant, nous n’avions pas de clim, pas d’air, on était morts de chaud, j’ai fait pipi deux fois dans un verre puis dans une poubelle, il n’y a nulle part où faire pipi. Certains ont chié à cause du stress, les filles ont pissé dans leur pantalon, des choses qu’on ne peut même pas décrire.


si on sortait, il y avait des terroristes et si on restait à l’intérieur, on allait mourir brûlés vifs.

Je ne peux pas décrire à quel point j’ai eu peur pour ma vie à chaque seconde. J’avais peur de bouger, j’avais peur de m’asseoir, le corps s’effondre ; nous n’avons ni mangé ni bu, rien n’a de sens à ce moment-là. Je me suis cachée dans un tiroir, j’étais couchée dedans. J’avais peur pour ma vie parce que les portes s’étaient ouvertes et les terroristes avaient pris le contrôle de tout le poste de commandement. Il y avait beaucoup de morts et de blessés qui criaient : « mon ami a été tué » , « mon ami est mort entre mes bras ». Certains sont arrivés avec des blessures d’explosion de grenade au visage.


Ce qui s’est passé là-bas était comme un film, un film d’horreur.


Puis l’alarme incendie s’est déclenchée et là j’ai vraiment l’impression que j’allais mourir parce que si on sortait, il y avait des terroristes et si on restait à l’intérieur, on allait mourir brûlés vifs. Heureusement, nous avons réussi à l’éteindre. Apparemment, à Nahal Oz, ils ont brûlé tout le poste de commandement et ensuite les filles n’ont pas eu d’autre choix : soit sortir, soit rester et être brûlées ; elles sont sorties et on ne sait pas encore si certaines d’entre elles ont été kidnappées ou quoi. À chaque fois que les terroristes frappaient à notre porte, ’c’était terrifiant ; il n’y avait pas d’endroit où se cacher, nous étions dans une putain de pièce où ils essayaient de rentrer de toutes leurs forces. A la troisième fois, nous avons dû supplier pour que des renforts arrivent. Tant de terroristes et plein de morts et de blessés ; personne ne savait quoi faire. Chez nous, toutes les filles étaient en larmes, elles étaient hystériques, elle voulaient rentrer chez elles. Je ne sais pas comment j’ai survécu.


Ils ont commencé à nous tirer dessus depuis les portes ; les nôtres ont finalement réussi à les neutraliser mais même lors de la deuxième infiltration, ils se tenaient sur le toit du poste. Nous suppliions nos forces ’d’envoyer un drone, un missile qui les ferait dégager de là. À un moment donné, le générateur a commencé à fonctionner, avant de tomber à nouveau. Puis nos forces ont abattu de nombreux terroristes qui essayaient de fuir et les ont explosés. Nous avons vu qu’ils nous ont volé nos sacs avec nos uniformes et des trucs comme ça.


Nos forces ont essayé de nous faire sortir de là mais nous avions peur ; il tombait des roquettes tout le temps donc nous avons attendu un peu plus longtemps et à la fin nous sommes sortis en colonne par deux avec des équipes de combattants des deux côtés qui nous défendaient. Les tirs ont repris quand nous sommes sortis du poste de commandement. Nous étions tellement exposés, nous nous sommes accroupis là, je m’étais assise dans le sang des combattants, ’il n’y avait nulle part ailleurs où s’asseoir. Jusqu’à ce que nous arrivions s au bus, nous avons vu des cadavres, beaucoup des amis des observatrices ont été tués. Les chars avaient cessé de fonctionner, nous n’étions en aucun cas préparés à cela.


Ils ont réussi à sauver les observatrices. Je ne pense pas qu’aucune autre soldate ne soit restée vivante.


Maintenant, chaque bruit me stresse, chaque boum et chaque claquement de porte ou quelqu’un qui éternue. Je n’y retourne pas, je ne peux pas. Comment puis-je retourner à ma vie ? Je ne peux pas dormir seule, je ne suis pas capable de faire quoi que ce soit qu’une personne normale est censée faire. Ce n’est pas juste que des filles de notre âge aient dû subir ça et je n’en était qu’à mon deuxième jour là-bas.


[1] Les observatrices sont des soldates dont le rôle est de surveiller les caméras et autres moyens de surveillance installés à la frontière

[2] Couleur rouge – est le code annonçant l’arrivée imminente de roquettes tirées depuis Gaza.



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