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Témoignages de survivants

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Nous étouffons à cause de la fumée dans l’abri, nous n’avons pas d’air

Elad P.'s story

Les terroristes sont restés chez nous pendant une heure. Personne n’est venu nous aider

Mon histoire n’est pas l’une des pires qui se soient passées ici. Maintenant que nous sommes dehors, et que nous commençons à obtenir de plus en plus d’informations, nous le savons déjà.

En temps normal, mon histoire aurait fait la une de tous les journaux télévisés. Aujourd’hui, elle ne figure même pas parmi les trois milles histoires les plus choquantes qui se sont passées. La douleur, l’horreur, et la souffrance que d’autres ont endurées et ressentent aujourd’hui est mille fois pire. Il est essentiel de comprendre cela, de le savoir, et de le reconnaître.

Mais c’est mon histoire, elle a de la valeur, et elle aussi doit être écoutée. C’est pourquoi, je vais la raconter.

À 11 heures du matin, des terroristes ont pénétré dans ma maison. Moi, ma femme, et ma fille de 6 mois nous sommes refugiés dans la chambre renforcée, en gardant un silence absolu.

Immédiatement, j’appelle à l’aide. Sur WhatsApp, j’envoie des messages à tous ceux que je peux.

Je me tiens avec une hache près de la porte de l’abri et j’attends. Les minutes passent, j’attends que quelqu’un vienne. Je les entends parler en arabe dans ma maison, et j’entends comme ils marchent, et fouillent la maison. Ils se rapprochent petit à petit de l’abri.

Et je continue d’envoyer des messages. Je supplie qu’on nous vienne en aide. Je crie au secours à l'écrit, personne ne vient.

Ils commencent à essayer d'ouvrir la porte de l’abri. Je sais que s’ils y parviennent, c’est la fin. Ça ne sert à rien de venir avec un couteau à une fusillade. Une hache ne fera pas l’affaire. Peut-être avec de la chance, je pourrais réussir à attraper la main ou la jambe de l’un d’entre eux, mais ils sont au moins trois, et munis d’armes à feu.

Je crie au secours à l'écrit, personne ne vient.

Pendant qu’ils essayent de forcer la porte de l’abri encore et encore, une hache dans ma main droite et un téléphone dans ma main gauche, j’écris d’une main tremblante. Je sais que ces instants sont probablement les derniers pour moi, pour Maria, et pour notre petite Line. A ce stade, les terroristes sont chez moi depuis déjà une demi-heure, et personne n’est venu à notre secours. Je veux qu’ils sachent, que personne ne puisse à l’avenir cacher ce qu’il s’est passé.

Je me souviens de ce célèbre enregistrement du soldat communiquant depuis la ferme chinoise. J’ai honte maintenant de ne pas me souvenir de son nom. Le soldat qui crée une communication dit: “Vous nous avez abandonnés, D.ieu se vengera de vous pour cela”.

Je suis athée, je n’ai pas écrit sur D.ieu, je n’ai pas essayé de citer précisément ce soldat.

J’ai donc simplement écrit que les terroristes sont chez moi depuis une demi-heure, que personne n’est venu nous aider, que comme dans la ferme chinoise, ils nous ont abandonnés.

Je ne sais pas si les terroristes se sont rendu compte qu’il y avait des gens dans l’abri. Nous avons tendance à analyser les choses de manière froide et calculée, mais je suis sûr qu’ils étaient sous pression et ne réfléchissaient pas de manière rationnelle et organisée. Je peux en revanche dire que pendant toute cette journée, Line était parfaitement silencieuse. Elle a joué en silence, mangé en silence, elle n’a fait aucun son. Nous avons une fille en or. Il est tout à fait possible que s’ils avaient su qu’il y avait un bébé à l’intérieur, ils auraient fourni des efforts plus importants pour forcer l’abri.

Vers midi, quelqu’un d’autre est entré dans la maison, il a dit quelque chose en arabe, puis ils ont quitté les lieux.

Les terroristes sont restés chez nous pendant une heure. Personne n’est venu nous aider. De longues heures se sont écoulées jusqu’à ce que les soldats arrivent enfin.

Les terroristes sont restés chez nous pendant une heure. Personne n’est venu nous aider.

Vers 23h, nous avons été évacués du Kibbutz. Oui, de six heures du matin jusqu’à onze heures du soir, nous étions dans l’abri sous les bombes, les tirs, les invasions de domiciles par des terroristes, avec une communication très limitée, et des bribes de rumeurs concernant les horreurs qui se passaient dehors. Déjà pendant l’évacuation, j’ai appris qu’une des craintes que j’avais eu tout au long de la journée s’était avérée justifiée. Un ami cher, un homme extraordinaire avait disparu, et son sort est encore inconnu.

de six heures du matin jusqu’à onze heures du soir, nous étions dans l’abri sous les bombes, les tirs, les invasions de domiciles par des terroristes,

On est arrivés dans une base militaire au sud du pays. Là, nous avons retrouvé notre communauté. Des gens brisés, qui serraient les dents pour ne pas s’effondrer.

On a commencé alors à entendre parler des victimes, des personnes kidnappées, des familles assassinées. Des amis et connaissances qui se trouvaient à Gaza. Des enfants qui ont vu des choses que je ne veux pas décrire ici. Comme je l’ai dit, mon histoire n’est pas l’une des pires, mais si vous êtes arrivés jusqu’ici, je vous expliquerai bientôt pourquoi il est si important pour moi de la raconter.

Lorsque je suis sorti de la base, je m‘autorise à m’effondrer pendant trois minutes. Je veux crier, mais je ne me le permet pas. La communauté serre les dents, si une personne s’effondre, il pourrait y avoir une réaction en chaîne. Dans ma tête je crie à haute voix. Je ne sais pas si quelqu’un a déjà vécu quelque chose comme ça. C’était ma première fois. Trois minutes, puis j’essuie mes larmes, et je reviens aider ma famille. Un de mes frères n’a toujours pas été évacué, et l’inquiétude ne s’apaisera que lorsque je le serrerai dans mes bras.

Je veux crier, mais je ne me le permet pas. La communauté serre les dents, si une personne s’effondre, il pourrait y avoir une réaction en chaîne.

De là-bas, nous sommes évacués vers un Kibbutz au nord. A partir de ce moment-là, toutes les deux heures en moyenne, j’entends parler d’un autre ami, d’une connaissance, d’un enfant avec qui j’ai travaillé, de parents d’amis. Disparus, tués, ou kidnappés. À l’heure actuelle, cela continue.

L’enveloppe de Gaza est l’endroit où j’ai grandi, l’endroit où je travaille. Je suis en contact avec des gens de toutes les communes de la région depuis quarante ans, c’est mon monde. Mon monde a été détruit.

Je ne sais toujours pas comment digérer les événements, pour être honnête, je ne sais pas ce que je vais devoir encore encaisser. A chaque instant, de nouvelles informations arrivent, et la douleur continue de se déverser dans ce puits sans fond.

Il y a certaines choses que je dois dire maintenant, certaines choses qui doivent être entendues.

Silence on tire - si ma mémoire ne me trompe pas, l’expression“silence on tire” a été formulée pour la première fois par Amiram Nir, que sa mémoire soit bénie, dans un article d’opinion, au début de la première guerre du Liban. Il appelait à ne pas critiquer l’armée et le gouvernement pendant la guerre. Plus tard, ce terme est devenu un slogan constant dans tous les conflits auxquels Israël a participé.

Les partisans de cette approche soutiendront qu’en temps de guerre, il faut préserver l’unité du peuple afin de renforcer la résilience nationale. A l’époque, j’ai accordé beaucoup de poids à cet argument, avec bien sûr des réserves, mais je croyais qu’il était vrai dans la plupart des cas.

Pas aujourd’hui. Le gouvernement et les chefs de l’armée nous ont abandonnés, moi, ma femme, ma fille. Ils ont abandonné ma mère, mes frères, ils ont abandonné mes amis, mes connaissances, mon monde.

Ils diront qu’il y a eu un effet de surprise. Un problème en soit, oui ? L’attaque a commencé à 6:00h du matin. Combien de temps faut-il pour envoyer des troupes? Une heure? Deux heures? Trois? Peut-être quatre? Dans tous les cas rien ne justifie quatre heures. En quatre heures il est possible de faire venir des forces même depuis le plateau du Golan. Cinq heures se sont écoulées entre le début de l’attaque et le moment où les terroristes se sont introduits dans ma maison, se sont tenus à un demi-mètre de ma petite fille. Une porte d’abri avec verrou, c’est ce qui nous a empêchés d’être aujourd’hui inscrits sur la liste des otages et des victimes. Un misérable verrou en métal. Pas Tsahal. L’armée de l’air n’était pas là. Pas d’hélicoptères, ni de drones. Ces derniers, soit dit en passant, peuvent être déployés en moins d’une heure.

Ils nous ont laissés pour morts. Moi et toutes les personnes qui me sont les plus proches.

Ils nous ont laissés pour morts. Ils nous ont laissés pour morts. Ils nous ont laissés pour morts.

Ils nous ont laissés pour morts. Moi et toutes les personnes qui me sont les plus proches.

Elad P.




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