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Témoignages de survivants

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J’ai écrit à ma famille que je les aimais et que j’étais heureuse de la vie que j’avais eue

Einav A.'s story

C'est à ce moment que j’ai réalisé que nous serions exécutés si nous ne courrions pas

Parfois, il faut faire attention à ce que l’on souhaite. Le résultat pourrait être atroce.

Je vais commencer mon récit à partir d’hier (vendredi). Je me sentais épuisée physiquement et mentalement. J’ai quitté le boulot tôt mais je n’ai pas pu m’endormir de toute la journée. Elmitz (Alma) est venue chez moi et nous avons regardé le coucher de soleil depuis la terrasse. J’ai préparé mon sac avec tout ce dont j’ai besoin pour être à l’aise. Quelques mois auparavant, j’avais fait un voyage en Inde en sac à dos. Une ‘Nature Party’ semblait assez simple en comparaison. Gal (la fille) est venue nous chercher. J’ai essayé en vain de dormir dans la voiture.

Nous sommes passées chez Amit à Ofakim boire un verre avant d’aller à la fête. Les autres filles et Gal (le garçon) nous ont rejoints plus tard avec une provision de snacks impressionnante en vue d’une excellente soirée.

Bien que nous ayons attendu longtemps cette fête, nous étions tous un peu fatigués. Nous avions peur de ne pas en profiter pleinement, mais personne n’avait le courage de l’admettre.

Nous ne nous connaissions pas depuis très longtemps, ils semblaient tous sympas. Je ne savais pas alors à quel point ils allaient jouer un rôle important dans les événements à venir.




Nous sommes arrivés à la fête vers 4 heures du matin. Nous avons monté notre tente et déroulé nos sacs de couchage. J’ai enfilé une tenue confortable. Elmitz avait un peu trop bu et est allée se coucher. Nous autres avons commencé à boire.



Vers 5 h 30, Amit nous a tous convaincus de danser au lever du soleil.

Nous avons dansé entre les deux pistes de danse sous le ciel clair pendant que le soleil se levait. Nous avons dansé et parlé de la merveilleuse journée qui s’annonçait devant nous et de la beauté du ciel.


En quelques secondes, ce même ciel s’est rempli de roquettes.

Je me suis figée. En tant que TelAvivienne, je ne connaissais pas les protocoles pour un tel événement, de plus, j’étais bourrée. Nous nous sommes séparés, et je suis restée avec Amit et Gal. Les autres sont allés réveiller Elmitz et rassembler nos affaires.


J’étais figée. Mes amis ont essayé de me calmer, et je les ai suppliés de me dire quoi faire.

Gal (le garçon) m’a dit de m’allonger et de me couvrir la tête avec les bras. J’ai senti que je pouvais lui faire confiance. À ce stade, les gens couraient frénétiquement dans toutes les directions. Nous nous sommes levés et avons marché vers notre voiture.

Nous avons trouvé la voiture. Gal (le garçon) était notre conducteur. Noam était assise à l’avant, tandis que May et Elmitz étaient à l’arrière avec moi. Nous étions coincés dans un embouteillage.


Nous ne savions pas encore que les terroristes étaient en route et que les roquettes devraient être le dernier de nos soucis.

Nous étions tous paniqués, alors je leur ai demandé à tous de se donner les mains. Une voiture couverte d’éclats d’obus est passée près de nous. Gal a demandé au conducteur ce qui se passait, et il nous a dit qu’ils tiraient sur les passagers de toutes les voitures.


Je n’étais toujours pas sûre de devoir partir, jusqu’à ce que je voie tout le monde, derrière nous, quitter leurs voitures en courant. Je n’ai même pas vu les terroristes qui apparemment étaient juste à côté de nous. Gal a crié « MAINTENANT ! SORTEZ DE VOITURE ! ». C'est à ce moment que j’ai réalisé que nous serions exécutés si nous ne courrions pas.


Ils éliminaient tous ceux qui ne courait pas assez vite. Je n’oublierai jamais l’image du policier abattu d’une balle dans la gorge.


Nous sommes sortis. J’ai perdu l’une de mes chaussures. Nous avons continué. Le chaos. Des roquettes volaient au-dessus de nous. L’hystérie. La peur. Des explosions. Des cris. Tout le monde courait dans toutes les directions, et pendant que je courais, j’ai peu à peu pris conscience du nombre de personnes à terre, blessées, abattues. Ils éliminaient tous ceux qui ne courait pas assez vite. Je n’oublierai jamais l’image du policier abattu d’une balle dans la gorge.


Quelques-uns d’entre nous ont couru vers les champs. Gal a crié « courez vers l’est ! » et nous avons dévalé la pente, comme des animaux.

Je courais quand j’ai remarqué qu’Elmitz avait disparue. Je l’ai appelée. Nous avions été séparées.





Une nouvelle salve de roquettes sifflait au-dessus de nos têtes. Avec les balles qui volaient autour de nous, je n’avais même plus peur des roquettes. Nous avons traversé le champ en courant hystériquement, nous étions des cibles faciles. Nous étions des personnages dans un jeu terroriste « qui mourra le premier ».


J’ai appelé mes proches et je leur ai envoyé ma localisation en direct. J’ai appelé la police. Ils m’ont raccroché au nez. Je me suis dit « ça doit être bientôt fini. Ils vont les arrêter ».

Nous avons couru pendant des heures à travers champs. J’avais l’impression de gravir les différents niveaux d’un jeu vidéo, le type de jeu où le terrain passe de la terre ferme à un terrain rempli de fosses, puis à un champ épineux. Nous ne savions pas combien d’énergie il nous restait. Nous étions tous déshydratés et nous n’avions pas d'eau.


Nos proches nous ont dirigés en fonction des nouvelles. Ils nous ont dit quels endroits étaient sous le contrôle des terroristes, pour que nous les évitions. Gal naviguait avec Google Maps.

J’ai crié vers les cieux : « S’il y a Quelqu’un là-haut, s’il Vous plaît, aidez-nous ! ».



Je ne voyais plus personne de notre groupe. Tout en courant, des gens m’ont tendu la main et m’ont dit « ne cours pas seule ». Certaines filles se sont évanouies, et quelqu’un m’a donné de l’eau bien que ce fût sa dernière bouteille. Nous étions tous dans la même galère.


Elmitz m’a informée qu’elle était en lieu sûr. Cela m’a un peu calmée.

Les coups de feu derrière nous ne cessaient jamais. Tout à coup, quelqu'un a crié « Faites demi-tour, il y a des terroristes devant nous ! ». J’ai cru que c’était notre fin. J’ai regardé autour de moi et j’ai vu la douleur dans les yeux de chacun. Je la ressens encore.

Heureusement pour nous, nous avons décidé de ne pas écouter.


Quelqu’un a crié : « Assurez-vous qu’ils ne nous tirent pas dessus de gauche et de droite ! ». Nous avons été informés que les terroristes conduisaient des crossovers blancs. Chaque véhicule qui passait nous donnait une petite crise cardiaque.


Nous nous dirigions vers une base militaire que l’on voyait au loin. Après avoir couru pendant cinq heures sans avoir où se cacher, nous avons enfin aperçu quelques serres dans lesquelles nous pourrions nous cacher. Nous sommes entrés dans un petit préfabriqué aux murs de plâtre. Tout le monde était en état de choc. J’ai regardé mon pied et j’ai vu qu’il était entièrement recouvert d’épines. Je ne pouvais pas m’appuyer dessus parce que j’avais couru pieds nus.


Tout notre groupe étaient encore en vie ! On pleurait, on se serrait dans les bras. Nous ne nous connaissions pas avant, mais nous traversions ensemble cette épreuve affreuse.



Trois heures plus tard, un policier armé d’un pistolet est venu nous garder. Personne ne venait encore nous évacuer, et nous savions que les murs du préfabriqué ne résisteraient même pas à une seule balle. Les gens se disputaient les chargeurs de téléphone. Ils sortaient et faisaient du bruit. Nous ne devions pas être découverts ! J’étais furieuse qu’ils nous mettent en danger. J’ai proposé de jouer à un jeu brise-glace pour calmer tout le monde. Nous n’étions pas encore en sécurité.


Des volontaires du Moshav Patish (un Moshav qui n’avait pas été envahi par les terroristes) sont venus nous secourir. Nous étions hystériques. Un garde-frontière m’a portée dans le véhicule car je ne pouvais pas me servir de mon pied. Une personne s’est assise par terre et a posé sa tête sur mes genoux. Une autre était assise entre moi et le conducteur. Elle était la seule survivante d’un crossover, les autres n’avaient pas réussi à s’échapper.



Beaucoup de personnes se trouvaient à l’arrière, je n’en ai pas fait le compte. Je me suis assise à l’avant à côté du conducteur. J’ai vu deux hommes en noir devant nous. J’ai dit au conducteur de s’arrêter. « Qui sont-ils ? » ai-je demandé. Il a vérifié et m’a dit qu’ils étaient armés mais qu’ils étaient probablement de notre côté. Il a commencé à avancer, mais je lui ai dit de s’arrêter et de revérifier.


Il m’a dit que c’étaient des policiers. Je me suis détendue un peu, mais nous n’étions pas encore en sécurité.

Huit heures depuis que tout cela a commencé.


Quand nous sommes arrivés au Moshav et qu’on nous a dit que nous étions en sécurité, j’ai complètement craqué. Je ne pouvais pas croire que nous avions réussi. Je ne pouvais pas croire que c’était fini. Une famille locale nous a hébergés. Ils nous ont offert de l’eau, de la nourriture et une douche chaude. Des anges envoyés du ciel pour nous.

Je portais deux choses en rentrant chez moi. Ma petite pochette et un trou béant dans mon âme.

Je sais que nous avons de la chance d’être en vie.


Einav A.

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